Aller au contenu

Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
les forçats du mariage

tendres de son mari pour l’aider à envisager avec calme la crise terrible qu’elle allait traverser ; et au lieu de tendresse, c’était pis que l’abandon, c’était la trahison peut-être. Tantôt elle souhaitait de mourir ; tantôt se reprenant à aimer la vie, elle voulait essayer de lutter, de reconquérir son mari : elle pensait à aller trouver Juliette, à l’attendrir par la peinture de ses douleurs, à la supplier de lui laisser le cœur de Robert, son bien, son seul bonheur.

Mais au moment de franchir le seuil de sa maison, elle avait peur. Pouvait-elle s’humilier ainsi devant cette femme qui, peut-être, aimait aussi Robert, et rirait de ses tourments ?

Tout le jour elle restait donc couchée sur une chaise longue, dans une attitude anxieuse, désolée. On eût dit, à voir sa large pupille, fixée dans le vide, que son œil cherchait à franchir l’espace. Que faisait-il ? Où était-il ? aux pieds de Juliette sans doute, lui prodiguant les protestations ardentes dont il l’avait enivrée elle-même, et qu’elle ne pouvait oublier.

Alors une chaleur brûlante lui montait aux joues ; elle se levait, s’habillait fiévreusement pour aller le surprendre. Comme toutes les femmes jalouses, elle voulait savoir, préférant une certitude qui la tuerait peut-être au doute qui la torturait. Mais tout à coup cette force factice l’abandonnait, ses jambes fléchissaient. Que dirait Robert d’une telle démar-