Aller au contenu

Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
les forçats du mariage

— Moi ! fit-elle interloquée, j’ai l’habitude de sortir le soir la tête découverte.

Elle disait ces mots avec peine ; car la frayeur l’oppressait encore. Ses genoux avaient tremblé si fort qu’ils se refusaient à la porter. Elle s’appuya de tout son poids sur le bras d’Étienne.

Étienne comprit ce qui se passait en elle, son abnégation héroïque, ses terreurs généreuses pour celui qui la faisait souffrir.

— Vous êtes sublime, vous, murmura-t-il.

Ses nerfs alors se détendirent.

C’était une de ces nuits voluptueuses où la nature entière exhale, soupire, chante l’amour.

Le ciel profond, semé de diamants, rappelait la splendeur veloutée des nuits italiennes.

La lune jetait à travers le feuillage ces clartés pâles et furtives qui font tressaillir les amants. De petits nuages blancs, légers comme une dentelle, la voilaient par instants. On eût dit qu’elle se cachait pour rougir ; puis elle reparaissait plus brillante et plus hardie.

On entendait les feuilles soupirer sous les enlacements de la brise.

Le ruisseau embrassait la rive avec un susurrement semblable à un bruit de baisers.

Le rossignol, ce ténor jaloux qui réserve ses concerts pour le silence des nuits, modulait sa cantilène amoureuse.