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Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/261

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les forçats du mariage

formes élégantes et harmonieuses. Elle reposait, ainsi qu’un enfant, son bras nu passé sous la tête, et son visage frais et tranquille avait une telle expression d’innocence, qu’on eût dit un bel ange endormi.

Cette femme au front si candide, au sommeil si calme, pouvait-elle être une aussi perverse créature, un pareil monstre de fausseté ?

À cette vue, un reste d’amour ôta à Étienne la force de frapper.

Son bras déjà levé retomba. Un peu de sang-froid lui revint.

Après tout, quelles preuves, quelle certitude avait-il ?

Il eut peur de sa folie. Il eut peur que Juliette ne s’éveillât, ne le vît armé auprès d’elle.

Il sortit précipitamment, et regagna sa chambre.

Maintenant il se disait avec terreur :

— Quel crime j’allais commettre ! Moi ! assassin !

Il tremblait de tous ses membres.

Comment cette heure de vertige avait-elle pu changer ainsi sa nature douce et tendre ? Tuer Juliette, cette femme que, il y a deux jours, il adorait comme un fétiche ! Fût-elle coupable — et maintenant qu’il ne la voyait plus, qu’il ne subissait plus le charme de sa beauté, ses doutes reparaissaient et se fortifiaient — fût-elle coupable, avait-il