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Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/264

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les forçats du mariage

— Laissez-moi, dit-il avec plus de mépris que de colère ; je n’ai plus pour vous que du dégoût. Il me semble que vos baisers me souillent. Vous êtes plus vile que les filles du ruisseau. Elles ont du moins l’excuse de la misère, du malheur. Mais vous, à qui je n’ai jamais su refuser un caprice ; vous que j’ai tant aimée, si fidèlement qu’aucune femme n’a jamais attiré mes regards ! Vous m’avez ruiné. Ce n’est rien encore. Vous m’avez tué le cœur : il ne renaîtra jamais. C’est pourquoi je pars, c’est pourquoi je ne veux plus vous revoir. Rentrez donc chez vous. Je comptais vous écrire de Nantes. J’eusse été plus calme, moins dur. Sortez. En vous voyant, je ne suis plus maître de moi. Mon cerveau est en feu, et des flammes dansent devant mes yeux.

Ce ton calme d’Étienne effraya plus Juliette que sa colère. Il était décidé à partir ; elle le voyait bien. Elle perdrait cet homme excellent, qu’au fond peut-être elle préférait à Robert, en ce moment surtout où cette crise jetait un peu de glace sur son ardeur romanesque.

Il fallait le retenir à tout prix.

Apercevant le poignard posé sur la table, elle le prit avec résolution et le présenta à Étienne.

— Eh bien ! dit-elle d’un ton navré, si mes larmes, mes supplications ne peuvent t’attendrir, suis ta pensée première, tue-moi ! Je le mérite, puisque je n’ai pas su te convaincre de mon affec-