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les forçats du mariage

— C’est bon ! j’irai lui faire mes adieux. Pauvre femme ! encore une victime du mariage.

— Mais il me semble que c’est plutôt le mari qu’il faudrait plaindre.

— Ah ! tu crois cela, toi ? Le mari est comme Marcelle. Ils ont souffert, sans doute ; mais ils n’ont pas, comme Juliette et moi, à se débattre contre leurs passions et contre les entraves du lien conjugal. Enfin ils ont pu conserver l’estime d’eux-mêmes. Ils n’ont à se reprocher aucune souillure, tandis que nous… Ah ! j’en ai assez de la vie ; elle n’est supportable qu’avec beaucoup d’argent. Autrement, c’est un tissu de douleurs, de privations, d’humiliations surtout. Et comme ma ruine est aujourd’hui irrémédiable…

— Eh bien ?

— Eh bien ! je songe à me faire sauter la cervelle.

— Allons ! tu me rassures, répondit Fromont. Quand on songe vraiment au suicide, on n’en prévient personne.

— Si j’en parle, c’est que je regarde cette manière d’en finir comme la plus simple et la plus naturelle. La mort subite n’est-elle pas cent fois plus enviable qu’une mort amenée par la maladie ? Entre une tuile qui me tomberait sur la tête et un coup de pistolet, il n’y a qu’une insignifiante différence. Le premier genre de mort est l’effet du hasard ; le second est l’effet de ma volonté, domi-