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Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/370

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les forçats du mariage

vous pas enfanté cent fois par toutes les inquiétudes, les douleurs morales qu’il vous a causées ! Jamais, soyez-en sûre, bien que la loi m’y autorise, je ne commettrai ce dernier vol, cette dernière iniquité, vous prendre votre fils, c’est-à-dire votre substance même, votre propriété indéniable, votre unique consolation, jamais, Marcelle, jamais ! Je vous le jure sur tout ce qui me reste d’honneur et sur la vie même de notre enfant.

— Merci ! ô merci ! dit la jeune femme en lui tendant la main.

Robert prit cette main, et la baisa avec une vive et réelle émotion.

Elle voulut se lever et partir, car elle-même se sentait fort émue.

Robert la retint. Le passé fut évoqué. Les jours de vrai bonheur avaient été rares ; mais Marcelle en gardait le souvenir ineffaçable. Elle en parla avec un regret touchant, une grâce attendrie. Robert la regardait avec surprise. Il lui trouvait une poésie nouvelle. Cette femme, qui jusqu’alors ne lui avait paru qu’une frêle et charmante enfant, lui sembla grandie par la souffrance. Il découvrit des séductions inattendues dans ses yeux plus profonds, un peu voilés maintenant par les pleurs qu’il avait fait verser, dans le triste et bon sourire de ses lèvres pâlies, et jusque dans ses traits déjà fatigués, portant la trace des chagrins qu’il avait causés.