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Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/377

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les forçats du mariage

condition : c’est qu’elle quittera mon nom, et me laissera l’enfant.

— L’enfant ? interrogea Marcelle timidement.

— Sa fille, qui n’est pas la mienne. Dans mon désespoir, pour avoir un être à aimer, je l’ai adoptée, pauvre petite ! Elle me rappelle bien des douleurs : mais elle en est innocente, et elle m’aime, elle.

— Pensez-vous retourner au Brésil ?

— Je ne sais pas encore ce que je ferai. Il ne me restera qu’une fortune très-modique, 40,000 fr. de rente à peu près. C’est bien strictement le nécessaire. J’habiterai Paris ou peut-être la province, un endroit où je pourrai vivre inconnu. La curiosité du monde et sa pitié banale me seraient insupportables

— Mais l’affection d’un ami, dit encore Marcelle.

— Hélas ! les amis sont rares ; et puis il faudrait. confier à cet ami mes secrets chagrins ; il faudrait enfin qu’il connût mon cœur ; et par nature je suis concentré, un peu voilé. L’expansion est pour moi un effort que je ne me sens plus capable de faire. J’ai trop souffert.

— Mais un ami qui connaîtrait déjà votre vie, un ami qui aurait lu dans votre cœur, qui saurait tout ce qu’il contient de grandeur, de dévouement, de sentiments tendres et généreux, un ami qui déjà l’aurait entendu battre dans un moment de suprême douleur ; enfin, si cet ami… c’était moi, monsieur