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les forçats du mariage

lune de miel après dix ans ! Crois-moi, ce serait fade. Nous en aurions des nausées au bout de quinze jours. Non, vois-tu, nous sommes des galériens de l’amour, des forçats du plaisir. La vie que tu me proposes, mais c’est encore une espèce de mariage. Et, Dieu merci ! c’est assez d’une fois.

— Vous préférez cette vie de bohème ?

— Maintenant que j’y suis fait, ce n’est pas si désagréable. Il y a au moins un peu d’imprévu dans l’existence. Je trouve assez piquant que moi, qui ai dépensé jusqu’à un million par an, je ne sache pas quelquefois si et où je dînerai. D’ailleurs, quand j’en serai las, il y a un moyen bien simple…

— Ah ! oui, le suicide, encore. Vous n’aurez donc aucune pitié pour une pauvre femme qui vous aime ; car je vous aime toujours, moi, entendez-vous, Robert ?

— Ah ! parbleu ! je le sais bien. Avoue seulement qu’il y a un peu de pose dans cet amour-là.

— Moi ! je pose pour vous aimer ! C’en est trop !

— Eh bien ! non, tu m’aimes, c’est entendu. Et je t’en veux presque, ma pauvre Juliette ! Sans toi, qui es désormais la seule attache sérieuse qui me retienne à la vie, il y a longtemps que je me serais brûlé la cervelle.

— C’est vrai, cela, Robert ? fit-elle tout émue, tout heureuse !

— Oui, c’est parfaitement vrai, dit-il tranquillement.