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Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/268

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Enfin, suivant toujours la côte entre la lande et l'Océan, vers le soir, du sommet d'un tumulus, j'aperçus devant moi les champs de pierres de Carnac.

Elles semblent vivantes, ces pierres alignées interminablement, géantes ou toutes petites, carrées, longues, plates, avec des aspects de grands corps minces ou ventrus. Quand on les regarde longtemps, on les voit remuer, se pencher, vivre !

On se perd au milieu d'elles ; un mur parfois interrompt cette foule de granit ; on le franchit, et l'étrange peuple recommence, planté comme des avenues, espacé comme des soldats, effrayant comme des apparitions.

Et le coeur vous bat ; l'esprit malgré vous s'exalte, remonte les âges, se perd dans les superstitieuses croyances. Comme je restais immobile, stupéfait et ravi, un bruit subit derrière moi me donna une telle secousse que je me retournai d'un bond ; et un vieux monsieur vêtu de noir, avec un livre sous le bras, m'ayant salué, me dit :

- Ainsi, monsieur, vous visitez notre Carnac.

Je lui racontai mon enthousiasme et la frayeur qu'il m'avait faite. Il continua :

- Ici, monsieur, il y a dans l'air tant de légendes que