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Page:Maupassant - Boule de suif, 1902.djvu/143

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le protecteur

Le vieux prêtre s’inclina :

— Oh ! oui, monsieur, c’est bien désagréable lorsqu’on ne vient à Paris que pour quelques jours.

— Ah ! vous êtes de province ?

— Oui, monsieur, je ne suis ici qu’en passant.

— En effet, c’est très désagréable d’avoir de la pluie pour quelques jours passés dans la capitale. Nous autres, fonctionnaires, qui demeurons ici toute l’année, nous n’y songeons guère.

L’abbé ne répondait pas. Il regardait la rue où l’averse tombait moins pressée. Et soudain, prenant une résolution, il releva sa soutane comme les femmes relèvent leurs robes pour passer les ruisseaux.

M. Marin, le voyant partir, s’écria :

— Vous allez vous faire tremper, monsieur l’abbé. Attendez encore quelques instants, ça va cesser.

Le bonhomme indécis s’arrêta, puis il reprit :

— C’est que je suis très pressé. J’ai un rendez-vous urgent.

M. Marin semblait désolé.

— Mais vous allez être positivement traversé. Peut-on vous demander dans quel quartier vous allez ?

Le curé paraissait hésiter, puis il prononça :

— Je vais du côté du Palais-Royal.

— Dans ce cas, si vous le permettez, monsieur l’abbé, je vais vous offrir l’abri de mon parapluie. Moi, je vais au Conseil d’État. Je suis conseiller d’État.

Le vieux prêtre leva le nez et regarda son voisin, puis déclara :

— Je vous remercie beaucoup, monsieur, j’accepte avec plaisir.