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Page:Maupassant - Boule de suif, 1902.djvu/171

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le crime au père boniface

de lutte. Puis, les gémissements devinrent plus forts, plus répétés, s’accentuèrent encore, se changèrent en cris.

Alors Boniface, ne doutant plus qu’un crime s’accomplissait en ce moment-là même, chez le percepteur, partit à toutes jambes, retraversa le petit jardin, s’élança à travers la plaine, à travers les récoltes, courant à perdre haleine, secouant sa sacoche qui lui battait les reins, et il arriva, exténué, haletant, éperdu, à la porte de la gendarmerie.

Le brigadier Malautour raccommodait une chaise brisée, au moyen de pointes et d’un marteau. Le gendarme Rautier tenait entre ses jambes le meuble avarié et présentait un clou sur les bords de la cassure ; alors le brigadier, mâchant sa moustache, les yeux ronds et mouillés d’attention, tapait à tous coups sur les doigts de son subordonné.

Le facteur, dès qu’il les aperçut, s’écria :

— Venez vite, on assassine le percepteur, vite, vite !

Les deux hommes cessèrent leur travail et levèrent la tête, ces têtes étonnées de gens qu’on surprend et qu’on dérange.

Boniface, les voyant plus surpris que pressés, répéta :

— Vite, vite ! Les voleurs sont dans la maison, j’ai entendu les cris, il n’est que temps.

Le brigadier, posant son marteau par terre, demanda :

— Qu’est-ce qui vous a donné connaissance de ce fait ?

Le facteur reprit :

— J’allais porter le journal avec deux lettres quand