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Page:Maupassant - Boule de suif, 1902.djvu/207

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la parure

Or, un soir, son mari rentra, l’air glorieux et tenant à la main une large enveloppe.

— Tiens, dit-il, voici quelque chose pour toi.

Elle déchira vivement le papier et en tira une carte imprimée qui portait ces mots :

« Le ministre de l’Instruction publique et Mme Georges Ramponneau prient M. et Mme Loisel de leur faire l’honneur de venir passer la soirée à l’hôtel du ministère, le lundi 18 janvier. »

Au lieu d’être ravie, comme l’espérait son mari, elle jeta avec dépit l’invitation sur la table, murmurant :

— Que veux-tu que je fasse de cela ?

— Mais, ma chérie, je pensais que tu serais contente. Tu ne sors jamais, et c’est une occasion, cela, une belle ! J’ai eu une peine infinie à l’obtenir. Tout le monde en veut ; c’est très recherché et on n’en donne pas beaucoup aux employés. Tu verras là tout le monde officiel.

Elle le regardait d’un œil irrité, et elle déclara avec impatience :

— Que veux-tu que je me mette sur le dos pour aller là ?

Il n’y avait pas songé ; il balbutia :

— Mais la robe avec laquelle tu vas au théâtre. Elle me semble très bien, à moi…

Il se tut, stupéfait, éperdu, en voyant que sa femme pleurait. Deux grosses larmes descendaient lentement