Page:Maupassant - Boule de suif, 1902.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
un duel

flées, les yeux pleins de sang, l’étranglant toujours d’une main, il se mit avec l’autre, fermée, à lui taper furieusement des coups de poing par la figure. Le Prussien se débattait, tâchait de tirer son sabre, d’étreindre son adversaire couché sur lui. Mais M. Dubuis l’écrasait du poids énorme de son ventre, et tapait, tapait sans repos, sans prendre haleine, sans savoir où tombaient ses coups. Le sang coulait ; l’Allemand, étranglé, râlait, crachait ses dents, essayait, mais en vain, de rejeter ce gros homme exaspéré, qui l’assommait.

Les Anglais s’étaient levés et rapprochés pour mieux voir. Ils se tenaient debout, pleins de joie et de curiosité, prêts à parier pour ou contre chacun des combattants.

Et soudain M. Dubuis, épuisé par un pareil effort, se releva et se rassit sans dire un mot.

Le Prussien ne se jeta pas sur lui, tant il demeurait effaré, stupide d’étonnement et de douleur. Quand il eut repris haleine, il prononça :

— Si fous ne foulez pas me rentre raison avec le bistolet, che vous tuerai.

M. Dubuis répondit :

— Quand vous voudrez. Je veux bien.

L’Allemand reprit :

— Foici la fille de Strasbourg, che brendrai deux officiers bour témoins, ché le temps avant que le train rebarte.

M. Dubuis, qui soufflait autant que la machine, dit aux Anglais :

— Voulez-vous être mes témoins ?

Tous deux répondirent ensemble :