Aller au contenu

Page:Maupassant - Boule de suif, OC, Conard, 1908.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

veraine inspiratrice qui a fait accomplir tant de progrès au vieux sang français.

Au bout d’une heure on s’arrêta de nouveau et tout le monde se coucha dans la neige. Là-bas, au milieu de la plaine, une grande ombre noire courait. C’était comme un monstre fantastique qui s’allongeait ainsi qu’un serpent, puis, soudain, se ramassait en boule, prenait des élans vertigineux, s’arrêtait, repartait sans cesse. Des ordres murmurés circulaient parmi les hommes et, de temps à temps, un petit bruit sec et métallique claquait. La forme errante se rapprocha brusquement, et l’on vit venir au grand trot, l’un derrière l’autre, douze uhlans perdus dans la nuit. Une lueur terrible leur montra soudain deux cents hommes couchés devant eux. Une détonation rapide se perdit dans le silence de la neige, et tous les douze, avec leurs douze chevaux tombèrent.

On attendit longtemps. Puis on se remit en marche. Le vieillard qu’on avait trouvé servait de guide.

Enfin une voix très lointaine cria : Qui vive !

Un autre plus proche répondit un mot d’ordre.

On attendit encore ; des pourparlers s’engageaient. La neige avait cessé de tomber. Un vent froid balayait les nuages, et derrière eux, plus haut, d’innombrables étoiles scintillaient. Elles pâlirent et le ciel devint rose à l’Orient.

Un officier d’état-major vint recevoir le déta-