Aller au contenu

Page:Maupassant - Boule de suif.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. Sauvetanin, homme à réflexions philosophiques, cérémonieux et compassé, dont on attendait l’héritage, et une vieille tante, Mme Lamondois.

M. Sauvetanin avait été désigné pour offrir son bras à Anna. On les avait accouplés, les jugeant les deux personnes les plus importantes et les plus distinguées de la société.

Dès qu’on arriva devant la porte d’Anna, elle quitta immédiatement son cavalier et courut en avant en déclarant : « Je vais vous montrer le chemin. »

Elle monta, en courant, l’escalier, tandis que la procession des invités suivait plus lentement.

Dès que la jeune fille eut ouvert son logis elle se rangea pour laisser passer le monde qui défilait devant elle en roulant de grands yeux et en tournant la tête de tous les côtés pour voir ce luxe mystérieux.

La table était mise dans le salon, la salle à manger ayant été jugée trop petite. Un restaurateur voisin avait loué les couverts, et les carafes pleines de vin luisaient sous un rayon de soleil qui tombait d’une fenêtre.

Les dames pénétrèrent dans la chambre à coucher pour se débarrasser de leurs châles et de leurs coiffures, et le père Touchard, debout sur la porte, clignait de l’œil vers le lit bas et large, et faisait aux hommes des petits signes farceurs et bienveillants. Le père Taille, très digne, regardait avec un orgueil intime l’ameublement somptueux de son enfant, et il allait de pièce en pièce, tenant toujours à la main son chapeau, inventoriant les objets d’un regard, marchant à la façon d’un sacristain dans une église.