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la légende du mont-saint-michel

J’allai vers elle le lendemain dès l’aube à travers les sables, l’œil tendu sur ce bijou monstrueux, grand comme une montagne, ciselé comme un camée, et vaporeux comme une mousseline. Plus j’approchais, plus je me sentais soulevé d’admiration, car rien au monde peut-être n’est plus étonnant et plus parfait.

Et j’errai, surpris comme si j’avais découvert l’habitation d’un dieu à travers ces salles portées par des colonnes légères ou pesantes, à travers ces couloirs percés à jour, levant mes yeux émerveillés sur ces clochetons qui semblent des fusées parties vers le ciel et sur tout cet emmêlement incroyable de tourelles, de gargouilles, d’ornements sveltes et charmants, feu d’artifice de pierre, dentelle de granit, chef-d’œuvre d’architecture colossale et délicate.

Comme je restais en extase, un paysan bas-normand m’aborda et me raconta l’histoire de la grande querelle de saint Michel avec le diable.

Un sceptique de génie a dit : « Dieu a fait l’homme à son image, mais l’homme le lui a bien rendu. »