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Page:Maupassant - Clair de lune, 1905.djvu/158

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une veuve

« Alors il me fit la cour, une cour timide et profondément tendre dont on riait, tant c’était drôle. Chaque matin, j’avais des fleurs cueillies par lui, et chaque soir, avant de remonter dans sa chambre, il me baisait la main en murmurant : « Je t’aime ! »

« Je fus coupable, bien coupable, et j’en pleure encore sans cesse, et j’en ai fait pénitence toute ma vie, et je suis restée vieille fille, — ou plutôt non, je suis restée comme fiancée-veuve, veuve de lui. Je m’amusai de cette tendresse puérile, je l’excitais même ; je fus coquette, séduisante, comme auprès d’un homme, caressante et perfide. J’affolai cet enfant. C’était un jeu pour moi, et un divertissement joyeux pour sa mère et la mienne. Il avait douze ans ! Songez ! Qui donc aurait pris au sérieux cette passion d’atome ! Je l’embrassais tant qu’il voulait ; je lui écrivis même des billets doux que lisaient nos mères ; et il me répondait des lettres, des lettres de feu, que j’ai gardées. Il croyait secrète notre intimité d’amour, se jugeant un homme. Nous avions oublié qu’il était un Santèze !

« Cela dura près d’un an. Un soir, dans le parc,