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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/170

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en mer

teau d’un marin : « Attends, attends, coupe pas, faut mouiller l’ancre. »

L’ancre fut mouillée, toute la chaîne filée, puis on se mit à virer au cabestan pour détendre les amarres du chalut. Elles s’amollirent, enfin, et on dégagea le bras inerte, sous la manche de laine ensanglantée.

Javel cadet semblait idiot. On lui retira la vareuse et on vit une chose horrible, une bouillie de chairs dont le sang jaillissait à flots qu’on eût dit poussés par une pompe. Alors l’homme regarda son bras et murmura : « Foutu. »

Puis, comme l’hémorragie faisait une mare sur le pont du bateau, un des matelots cria : « Il va se vider, faut nouer la veine. »

Alors ils prirent une ficelle, une grosse ficelle brune et goudronnée, et, enlaçant le membre au dessus de la blessure, ils serrèrent de toute leur force. Les jets de sang s’arrêtaient peu à peu et finirent par cesser tout à fait.

Javel cadet se leva, son bras pendait à son côté. Il le prit de l’autre main, le souleva, le tourna, le secoua. Tout était rompu, les os cassés ; les