Aller au contenu

Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
un normand

Alors Mathieu, qui ne rit plus, se campe en face d’elle, et, d’un ton sévère : « Tais-toi, Mélie, c’est pas le moment de causer. Attends à d’main. »

Si elle continue à vociférer, il s’approche et, la voix tremblante : « Gueule plus ; j’suis dans les quatre-vingt-dix ; je n’mesure plus ; j’vas cogner, prends garde ! »

Alors, Mélie bat en retraite.

Si elle veut, le lendemain, revenir sur ce sujet, il lui rit au nez et répond : « Allons, allons ! assez causé ; c’est passé. Tant qu’jaurai pas atteint le mètre, y a pas de mal. Mais, si j’passe le mètre, j’te permets de m’corriger, ma parole ! »

Nous avions gagné le sommet de la côte. La route s’enfonçait dans l’admirable forêt de Roumare.

L’automne, l’automne merveilleux, mêlait son or et sa pourpre aux dernières verdures restées vives, comme si des gouttes de soleil fondu avaient coulé du ciel dans l’épaisseur des bois.

On traversa Duclair ; puis, au lieu de continuer sur Jumièges, mon ami tourna vers la gauche, et, prenant un chemin de traverse, s’enfonça dans le taillis.