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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/264

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un fils

bre. Je fus longtemps sans parvenir à dormir ; puis le sommeil vint, un sommeil hanté de visions insupportables. Je voyais ce goujat qui me riait au nez, m’appelait « papa » ; puis il se changeait en chien et me mordait les mollets, et, j’avais beau me sauver, il me suivait toujours, et, au lieu d’aboyer, il parlait, m’injuriait ; puis il comparaissait devant mes collègues de l’Académie réunis pour décider si j’étais bien son père ; et l’un d’eux s’écriait : « C’est indubitable ! Regardez donc comme il lui ressemble. » Et en effet je m’apercevais que ce monstre me ressemblait. Et je me réveillai avec cette idée plantée dans le crâne et avec le désir fou de revoir l’homme pour décider si, oui ou non, nous avions des traits communs.

Je le joignis comme il allait à la messe (c’était un dimanche) et je lui donnai cent sous en le dévisageant anxieusement. Il se remit à rire d’une ignoble façon, prit l’argent, puis, gêné de nouveau par mon œil, il s’enfuit après avoir bredouillé un mot à peu près inarticulé, qui voulait dire « merci », sans doute.

La journée se passa pour moi dans les mêmes angoisses que la veille. Vers le soir, je fis venir