Aller au contenu

Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
saint-antoine

Alors il vit une forme, une forme d’homme assis sur son fumier !

Il regardait cela, perclus d’horreur et haletant. Mais, soudain, il aperçut auprès de lui le manche de sa fourche piquée dans la terre ; il l’arracha du sol ; et, dans un de ces transports de peur qui rendent téméraires les plus lâches, il se rua en avant, pour voir.

C’était lui, son Prussien, sorti fangeux de sa couche d’ordure qui l’avait réchauffé, ranimé. Il s’était assis machinalement, et il était resté là, sous la neige qui le poudrait, souillé de saletés et de sang, encore hébété par l’ivresse, étourdi par le coup, épuisé par sa blessure.

Il aperçut Antoine, et, trop abruti pour rien comprendre, il fit un mouvement afin de se lever. Mais le vieux, dès qu’il l’eut reconnu, écuma ainsi qu’une bête enragée.

Il bredouillait : « Ah ! cochon ! cochon ! t’es pas mort ! Tu vas me dénoncer, à c’t’heure… Attends… attends ! »

Et, s’élançant sur l’Allemand, il jeta en avant de toute la vigueur de ses deux bras sa fourche levée comme une lance, et il lui enfonça jusqu’au