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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/82

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chire ; mais on guérit de ces catastrophes comme de larges blessures saignantes. Or, certaines rencontres, certaines choses entr’aperçues, devinées, certains chagrins secrets, certaines perfidies du sort, qui remuent en nous tout un monde douloureux de pensées, qui entr’ouvrent devant nous brusquement la porte mystérieuse des souffrances morales, compliquées, incurables, d’autant plus profondes qu’elles semblent bénignes, d’autant plus cuisantes qu’elles semblent presque insaisissables, d’autant plus tenaces qu’elles semblent factices, nous laissent à l’âme comme une traînée de tristesse, un goût d’amertume, une sensation de désenchantement dont nous sommes longtemps à nous débarrasser.

J’ai toujours devant les yeux deux ou trois choses que d’autres n’eussent point remarquées assurément, et qui sont entrées en moi comme de longues et minces piqûres inguérissables.

Vous ne comprendriez peut-être pas l’émotion qui m’est restée de ces rapides impressions. Je ne vous en dirai qu’une. Elle est très vieille, mais vive comme d’hier. Il se peut que mon imagination seule ait fait les frais de mon attendrissement.