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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/171

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fort comme la mort

table attachée au flanc des piétons de la poste, qui sèment tant d’émotions par les rues des villes et les chemins des champs.

La comtesse ne mangeait plus, suivant en son esprit cet homme qui venait vers elle, porteur de quelques mots écrits, de quelques mots dont elle serait peut-être blessée comme d’un coup de couteau à la gorge. L’angoisse de savoir la rendait haletante, et elle cherchait à deviner quelle était cette nouvelle si pressée. À quel sujet ? De qui ? La pensée d’Olivier la traversa. Serait-il malade ? Mort peut-être aussi ?

Les dix minutes qu’il fallut attendre lui parurent interminables ; puis quand elle eut déchiré la dépêche et reconnu le nom de son mari, elle lut : « Je t’annonce que notre ami Bertin part pour Roncières par le train d’une heure. Envoie phaéton gare. Tendresses. »

— Eh bien, maman ? disait Annette.

— C’est M. Olivier Bertin qui vient nous voir.

— Ah ! quelle chance ! Et quand ?

— Tantôt.

— À quatre heures ?

— Oui.

— Oh ! qu’il est gentil !

Mais la comtesse avait pâli, car un souci nouveau depuis quelque temps grandissait en elle, et la brusque arrivée du peintre lui semblait une menace aussi pénible que tout ce qu’elle avait pu prévoir.

— Tu iras le chercher avec la voiture, dit-elle à sa fille.

— Et toi, maman, tu ne viendras pas ?

— Non, je vous attendrai ici.

— Pourquoi ? Ça lui fera de la peine.

— Je ne me sens pas très bien.