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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/185

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fort comme la mort

jamais fait une peine et qui a mis un peu de bonheur dans votre vie. Cela, je le sais, je le sens. Oui, j’ai la conscience, j’ai la joie ardente de vous avoir été bonne, utile et secourable. Vous avez aimé, vous aimez encore tout ce que vous trouvez en moi d’agréable, mes attentions pour vous, mon admiration, mon souci de vous plaire, ma passion, le don complet que je vous ai fait de mon être intime. Mais ce n’est pas moi que vous aimez, comprenez-vous ! Oh, cela je le sens comme on sent un courant d’air froid. Vous aimez en moi mille choses, ma beauté, qui s’en va, mon dévouement, l’esprit qu’on me trouve, l’opinion qu’on a de moi dans le monde, celle que j’ai de vous dans mon cœur ; mais ce n’est pas moi, moi, rien que moi, comprenez-vous ?

Il eut un petit rire amical :

— Non, je ne comprends pas trop bien. Vous me faites une scène de reproches très inattendue.

Elle s’écria :

— Oh, mon Dieu ! Je voudrais vous faire comprendre