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fort comme la mort

qu’il les avait contre lui, et même il fermait les yeux pour mieux les sentir. Elles le guidaient, le conduisaient, et il allait devant lui, épris d’elles, de celle de gauche comme de celle de droite, sans savoir laquelle était à gauche, laquelle était à droite, laquelle était la mère, laquelle était la fille. Il s’abandonnait volontairement avec une sensualité inconsciente et raffinée au trouble de cette sensation. Il cherchait même à les mêler dans son cœur, à ne plus les distinguer dans sa pensée, et il berçait son désir au charme de cette confusion. N’était-ce pas une seule femme que cette mère et cette fille si pareilles ? et la fille ne semblait-elle pas venue sur la terre uniquement pour rajeunir son amour ancien pour la mère ?

Quand il rouvrit les yeux en pénétrant dans le château, il lui sembla qu’il venait de passer les plus délicieuses minutes de sa vie, de subir la plus étrange, la plus inanalysable et la plus complète émotion que pût goûter un homme, grisé d’une même tendresse par la séduction émanée de deux femmes.

— Ah ! l’exquise soirée ! dit-il, dès qu’il se retrouva entre elles à la lumière des lampes.

Annette s’écria :

— Je n’ai pas du tout besoin de dormir, moi ; je passerais toute la nuit à me promener quand il fait beau.

La comtesse regarda la pendule :

— Oh ! il est onze heures et demie. Il faut se coucher, mon enfant.

Ils se séparèrent, chacun allant vers son appartement. Seule, la jeune fille qui n’avait pas envie de se mettre au lit, dormit bien vite.

Le lendemain, à l’heure ordinaire, lorsque la femme