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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/198

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fort comme la mort

il employa le moyen des faibles, et ne pouvant séduire son attention, il l’acheta en tentant sa coquetterie.

— Dis-moi, dit-il, quelle fleur tu préfères, je t’en ferai faire une broche.

Elle hésita, surprise.

— Une broche, comment ?

— En pierres de la même couleur : en rubis si c’est le coquelicot ; en saphirs si c’est le bluet, avec une petite feuille en émeraudes.

La figure d’Annette s’éclaira de cette joie affectueuse dont les promesses et les cadeaux animent les traits des femmes.

— Le bluet, dit-elle, c’est si gentil !

— Va pour un bluet. Nous irons le commander dès que nous serons de retour à Paris.

Elle ne partait plus, attachée à lui par la pensée du bijou qu’elle essayait déjà d’apercevoir, d’imaginer. Elle demanda :

— Est-ce très long à faire, une chose comme ça ?

Il riait, la sentant prise.

— Je ne sais pas, cela dépend des difficultés. Nous presserons le bijoutier.

Elle fut soudain traversée par une réflexion navrante.

— Mais je ne pourrais pas le porter, puisque je suis en grand deuil.

Il avait passé son bras sous celui de la jeune fille, et la serrant contre lui :

— Eh bien, tu garderas ta broche pour la fin de ton deuil, cela ne t’empêchera pas de la contempler.

Comme la veille au soir, il était entre elles, tenu, serré, captif entre leurs épaules, et pour voir se lever sur lui leurs yeux bleus pareils, pointillés de grains noirs, il leur parlait à tour de rôle, en tournant la tête