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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/20

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fort comme la mort

Une voix, derrière lui, demanda :

— On est ici ?

Il répondit : — Présent — en se retournant. Puis jetant son haltère sur le tapis, il courut vers la porte avec une souplesse un peu forcée. Une femme entrait, en toilette claire. Quand ils se furent serré la main :

— Vous vous exerciez, dit-elle.

— Oui, dit-il, je faisais le paon, et je me suis laissé surprendre.

Elle rit et reprit :

— La loge de votre concierge était vide et, comme je vous sais toujours seul à cette heure-ci, je suis entrée sans me faire annoncer.

Il la regardait.

— Bigre ! comme vous êtes belle. Quel chic !

— Oui, j’ai une robe neuve. La trouvez-vous jolie ?

— Charmante, d’une grande harmonie. Ah ! on peut dire qu’aujourd’hui on a le sentiment des nuances.

Il tournait autour d’elle, tapotait l’étoffe, modifiait du bout des doigts l’ordonnance des plis, en homme qui sait la toilette comme un couturier, ayant employé, durant toute sa vie, sa pensée d’artiste et ses muscles d’athlète à raconter, avec la barbe mince des pinceaux, les modes changeantes et délicates, à révéler la grâce féminine enfermée et captive en des armures de velours et de soie ou sous la neige des dentelles.

Il finit par déclarer :

— C’est très réussi. Ça vous va très bien.

Elle se laissait admirer, contente d’être jolie et de lui plaire.

Plus toute jeune, mais encore belle, pas très grande,