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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/255

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fort comme la mort

émotion le suffoquaient qu’il reconnut son cœur vermoulu d’amour. Tout ce qu’on lui avait caché et tout ce qu’il s’était caché lui-même lui apparut en apercevant le marquis installé dans la maison, comme un fiancé !

Il pénétra, dans un sursaut d’exaspération, tout ce qu’il ne voulait pas savoir et tout ce qu’on n’osait point lui dire. Il ne se demanda point pourquoi on lui avait dissimulé tous ces apprêts du mariage. Il le devina ; et ses yeux, devenus durs, rencontrèrent ceux de la comtesse qui rougissait. Ils se comprirent.

Quand il se fut assis, on se tut quelques instants, sa présence inattendue ayant paralysé l’essor des esprits, puis la duchesse se mit à lui parler ; et il répondit d’une voix brève, d’un timbre étrange, changé subitement.

Il regardait autour de lui ces gens qui se remettaient à causer et il se disait : « Ils m’ont joué. Ils me le paieront. » Il en voulait surtout à la comtesse et à Annette, dont il pénétrait soudain l’innocente dissimulation.

Le comte, regardant alors la pendule, s’écria :

— Oh ! oh ! il est temps de partir.

Puis se tournant vers le peintre :

— Nous allons à l’ouverture de la session parlementaire. Ma femme seule reste ici. Voulez-vous nous accompagner ; vous me feriez grand plaisir ?

Olivier répondit sèchement :

— Non, merci. Votre Chambre ne me tente pas.

Annette alors s’approcha de lui, et prenant son air enjoué :

— Oh ! venez donc, cher maître. Je suis sûre que vous nous amuserez beaucoup plus que les députés.