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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/258

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fort comme la mort

Il haussa les épaules.

— Que voulez-vous que j’y fasse ? Est-ce ma faute si vous perdez la tête ?

Elle le tenait, l’attirant vers l’autre salon, celui du fond, où on ne les entendrait pas. Elle le traînait par l’étoffe de sa jaquette, cramponnée à lui, haletante. Quand elle l’eut amené jusqu’au petit divan rond, elle le força à s’y laisser tomber, et puis s’assit auprès de lui.

— Olivier, mon ami, mon seul ami, je vous en prie, dites-moi que vous l’aimez. Je le sais, je le sens à tout ce que vous faites, je n’en puis douter, j’en meurs, mais je veux le savoir de votre bouche !

Comme il se débattait encore, elle s’affaissa à genoux contre ses pieds. Sa voix râlait.

— Oh ! mon ami, mon ami, mon seul ami, est-ce vrai que vous l’aimez ?

Il s’écria, en essayant de la relever :

— Mais non, mais non ! Je vous jure que non !

Elle tendit la main vers sa bouche et la colla dessus pour la fermer, balbutiant :

— Oh ! ne mentez pas. Je souffre trop !

Puis laissant tomber sa tête sur les genoux de cet homme, elle sanglota.

Il ne voyait plus que sa nuque, un gros tas de cheveux blonds où se mêlaient beaucoup de cheveux blancs, et il fut traversé par une immense pitié, par une immense douleur.

Saisissant à pleins doigts cette lourde chevelure il la redressa violemment, relevant vers lui deux yeux éperdus dont les larmes ruisselaient. Et puis sur ces yeux pleins d’eau, il jeta ses lèvres coup sur coup en répétant :