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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/271

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fort comme la mort

Paris, vers le ciel libre de la banlieue. Et quand le gros nuage de feuilles et de poussière eut disparu sur les hauteurs du quartier Malesherbes, les chaussées et les trottoirs demeurèrent nus, étrangement propres et balayés.

Bertin songeait : « Que vais-je devenir ? Que vais-je faire ? Où vais-je aller ? » Et il retournait chez lui, ne pouvant rien imaginer.

Un kiosque à journaux attira son œil. Il en acheta sept ou huit, espérant qu’il y trouverait à lire peut-être pendant une heure ou deux.

― Je déjeune ici, dit-il en rentrant. Et il monta dans son atelier.

Mais il sentit en s’asseyant qu’il n’y pourrait pas rester, car il avait en tout son corps une agitation de bête enragée.

Les journaux parcourus ne purent distraire une minute son âme, et les faits qu’il lisait lui restaient dans les yeux sans aller jusqu’à sa pensée. Au milieu d’un article qu’il ne cherchait point à comprendre, le mot Guilleroy le fit tressaillir. Il s’agissait de la séance de la Chambre, où le comte avait prononcé quelques paroles.

Son attention, éveillée par cet appel, rencontra ensuite le nom du célèbre ténor Montrosé qui devait donner, vers la fin de décembre, une représentation unique au grand Opéra. Ce serait, disait le journal, une magnifique solennité musicale, car le ténor Montrosé qui avait quitté Paris depuis six ans, venait de remporter, dans toute l’Europe et en Amérique des succès sans précédents, et il serait, en outre, accompagné de l’illustre cantatrice suédoise Helsson, qu’on n’avait pas entendue non plus à Paris depuis cinq ans !