Aller au contenu

Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
fort comme la mort

Ayant demandé son nom, il apprit qu’elle s’appelait la comtesse de Guilleroy, femme d’un hobereau normand, agronome et député, qu’elle portait le deuil du père de son mari, qu’elle était spirituelle, très admirée et recherchée.

Il dit aussitôt, encore ému de cette apparition qui avait séduit son œil d’artiste :

— Ah ! en voilà une dont je ferais volontiers le portrait.

Le mot, dès le lendemain, fut répété à la jeune femme, et il reçut, le soir même, un billet teinté de bleu, très vaguement parfumé, d’une écriture régulière et fine, montant un peu de gauche à droite, et qui disait :

« Monsieur,

« La duchesse de Mortemain sort de chez moi et m’assure que vous seriez disposé à faire, avec ma pauvre figure, un de vos chefs-d’œuvre. Je vous la confierais bien volontiers si j’étais certaine que vous n’avez point dit une parole en l’air et que vous voyez en moi quelque chose qui puisse être reproduit et idéalisé par vous.

« Croyez, Monsieur, à mes sentiments très distingués.

« Anne de Guilleroy. »

Il répondit en demandant quand il pourrait se présenter chez la comtesse, et il fut très simplement invité à déjeuner le lundi suivant.

C’était au premier étage, boulevard Malhesherbes, dans une grande et luxueuse maison moderne. Ayant