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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/318

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fort comme la mort

protestation indignée contre toute résistance à sa volonté. Puis elle exposa, avec cette autorité de parole à laquelle on ne réplique point, les nécessités de la situation. Il fallait qu’on eût, avant une heure, l’interne et la garde, afin de prévenir tous les accidents. Pour les avoir, il fallait que quelqu’un les prît au lit et les amenât. Son mari seul pouvait cela. Pendant ce temps, elle resterait auprès du malade, elle, dont c’était le devoir et le droit. Elle remplissait simplement son rôle d’amie, son rôle de femme. D’ailleurs, elle le voulait ainsi et personne ne l’en pourrait dissuader.

Son raisonnement était sensé. Il en fallait bien convenir, et on se décida à le suivre.

Elle s’était levée, tout entière à cette pensée de leur départ, ayant hâte de les sentir loin et de rester seule. Maintenant, afin de ne point commettre de maladresse pendant leur absence, elle écoutait, en cherchant à bien comprendre, à tout retenir, à ne rien oublier, les recommandations du médecin. Le valet de chambre du peintre, debout à côté d’elle, écoutait aussi, et, derrière lui, sa femme, la cuisinière, qui avait aidé pendant les premiers pansements, indiquait par des signes de tête qu’elle avait également compris. Quand la comtesse eut récité comme une leçon toutes ces instructions, elle pressa les deux hommes de s’en aller, en répétant à son mari :

— Revenez vite, surtout, revenez vite.

— Je vous emmène dans mon coupé, disait le docteur au comte. Il vous ramènera plus rapidement. Vous serez ici dans une heure.

Avant de partir, le médecin examina de nouveau longuement le blessé, afin de s’assurer que son état demeurait satisfaisant.