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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/321

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fort comme la mort

pler. Puis elle demanda, si près du visage qu’elle semblait lui souffler les mots sur la peau :

— C’est vous qui vous êtes jeté sous cette voiture ?

Il répondit en essayant toujours de sourire :

— Non, c’est elle qui s’est jetée sur moi.

— Ce n’est pas vrai, c’est vous.

— Non, je vous affirme que c’est elle.

Après quelques instants de silence, de ces instants où les âmes semblent s’enlacer dans les regards, elle murmura :

― Oh ! mon cher, cher Olivier ! dire que je vous ai laissé partir, que je ne vous ai pas gardé !

Il répondit avec conviction :

— Cela me serait arrivé tout de même, un jour ou l’autre.

— Ils se regardèrent encore, cherchant à voir leurs plus secrètes pensées. Il reprit :

— Je ne crois pas que j’en revienne. Je souffre trop.

Elle balbutia :

— Vous souffrez beaucoup ?

— Oh ! oui.

Se penchant un peu plus, elle effleura son front, puis ses yeux, puis ses joues de baisers lents, légers, délicats comme des soins. Elle le touchait à peine du bout des lèvres, avec ce petit bruit de souffle que font les enfants qui embrassent. Et cela dura longtemps, très longtemps. Il laissait tomber sur lui cette pluie de douces et menues caresses qui semblait l’apaiser, le rafraîchir, car son visage contracté tressaillait moins qu’auparavant.

Puis il dit :

— Any ?