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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/328

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fort comme la mort

Elle répéta terrifiée :

— Vous souffrez ?… Olivier ! Répondez-moi ! Voulez-vous que j’appelle… faites un effort, dites-moi quelque chose !…

Elle crut entendre qu’il balbutiait :

— Amenez-la… vous me l’avez juré…

Puis il s’agita sous ses draps, le corps tordu, la figure convulsée et grimaçante.

Elle répétait :

— Olivier, mon Dieu ! Olivier, qu’avez-vous ? voulez-vous que j’appelle…

Il l’avait entendue, cette fois, car il répondit :

— Non… ce n’est rien.

Il parut en effet s’apaiser, souffrir moins, retomber tout à coup dans une sorte d’hébétement somnolent. Espérant qu’il allait dormir, elle se rassit auprès du lit, reprit sa main, et attendit. Il ne remuait plus, le menton sur la poitrine, la bouche entr’ouverte par sa respiration courte qui semblait lui râcler la gorge en passant. Seuls, ses doigts s’agitaient par moments, malgré lui, avaient des secousses légères, que la comtesse percevait jusqu’à la racine des cheveux, dont elle vibrait à crier. Ce n’étaient plus les petites pressions volontaires qui racontaient, à la place des lèvres fatiguées, toutes les tristesses de leurs cœurs, c’étaient d’inapaisables spasmes qui disaient seulement les tortures du corps.

Maintenant elle avait peur, une peur affreuse, et une envie folle de s’en aller, de sonner, d’appeler, mais elle n’osait plus remuer, pour ne pas troubler son repos.

Le bruit lointain des voitures dans les rues entrait à travers les murailles ; et elle écoutait si le roulement