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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/50

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fort comme la mort

dans les cœurs les plus droits le désir souffle parfois comme un coup de vent qui emporte la volonté ?

Mais quand elle se fut durement réprimandée et méprisée, elle se demanda avec terreur ce qui allait arriver.

Son premier projet fut de rompre, avec le peintre et de ne le plus jamais revoir.

À peine eut-elle pris cette résolution que mille raisons vinrent aussitôt la combattre.

Comment expliquerait-elle cette brouille ? Que dirait-elle à son mari ? La vérité soupçonnée ne serait elle pas chuchotée, puis répandue partout ?

Ne valait-il pas mieux, pour sauver les apparences, jouer vis-à-vis d’Olivier Bertin lui-même l’hypocrite comédie de l’indifférence et de l’oubli, et lui montrer qu’elle avait effacé cette minute de sa mémoire et de sa vie ?

Mais le pourrait-elle ? aurait-elle l’audace de paraître ne se rappeler de rien, de regarder avec un étonnement indigné en lui disant : « Que me voulez-vous ? » l’homme dont vraiment elle avait partagé la rapide et brutale émotion ?

Elle réfléchit longtemps et s’y décida néanmoins, aucune autre solution ne lui paraissant possible.

Elle irait chez lui le lendemain, avec courage, et lui ferait comprendre aussitôt ce qu’elle voulait, ce qu’elle exigeait de lui. Il fallait que jamais un mot, une allusion, un regard, ne pût lui rappeler cette honte.

Après avoir souffert, car il souffrirait aussi, il en prendrait assurément son parti, en homme loyal et bien élevé, et demeurerait dans l’avenir ce qu’il avait été jusque-là.