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Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/14

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Oui, il comprenait ; il trouvait même la conception originale, mais il se sentait dans une veine de modernité, et, comme son amie était étendue sur le divan, un pied tombant, chaussé d’un fin soulier, et donnant à l’œil la sensation de la chair à travers le bas presque transparent, il s’écria :

— Tenez, tenez, voilà ce qu’il faut peindre, voilà la vie : un pied de femme au bord d’une robe ! On peut mettre tout là dedans, de la vérité, du désir, de la poésie. Rien n’est plus gracieux, plus joli qu’un pied de femme, et quel mystère ensuite : la jambe cachée, perdue et devinée sous cette étoffe !

S’étant assis par terre, à la turque, il saisit le soulier et l’enleva ; et le pied, sorti de sa gaine de cuir, s’agita comme une petite bête remuante, surprise d’être laissée libre.

Bertin répétait :

— Est-ce fin, et distingué, et matériel, plus matériel que la main. Montrez votre main, Any !

Elle avait de longs gants, montant jusqu’au coude. Pour en ôter un, elle le prit tout en haut par le bord et vivement le fit glisser, en le retournant à la façon d’une peau de serpent qu’on arrache. Le bras apparut, pâle, gras, rond, dévêtu si vite qu’il fit surgir l’idée d’une nudité complète et hardie.