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Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/156

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de votre fille et de votre mari, dans ce wagon à peine éclairé qui vous traînait vers votre morte. Je vous voyais sous le quinquet huileux tous les trois, vous pleurant et Annette sanglotant. J’ai vu votre arrivée à la gare, l’horrible trajet dans la voiture, l’entrée au château au milieu des domestiques, votre élan dans l’escalier, vers cette chambre, vers ce lit où elle est couchée, votre premier regard sur elle, et votre baiser sur sa maigre figure immobile. Et j’ai pensé à votre cœur, à votre pauvre cœur, à ce pauvre cœur dont la moitié est à moi et qui se brise, qui souffre tant, qui vous étouffe et qui me fait tant de mal aussi, en ce moment.

Je baise vos yeux pleins de larmes avec une profonde pitié.

« Olivier. »
« 24 juillet. Roncières.

« Votre lettre m’aurait fait du bien, mon ami, si quelque chose pouvait me faire du bien en ce malheur horrible où je suis tombée. Nous l’avons enterrée hier, et depuis que son pauvre corps inanimé est sorti de cette maison, il me semble que je suis seule sur la terre. On aime sa mère presque sans le savoir, sans le sentir, car cela est naturel comme de vivre ; et on ne s’aperçoit de toute la profondeur des racines de cet amour qu’au moment de la séparation dernière. Aucune autre affection n’est