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Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/20

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Ayant traversé un vaste salon tendu de soie bleue à encadrements de bois, blancs et or, on fit entrer le peintre dans une sorte de boudoir à tapisseries du siècle dernier, claires et coquettes, ces tapisseries à la Watteau, aux nuances tendres, aux sujets gracieux, qui semblent faites, dessinées et exécutées par des ouvriers rêvassant d’amour.

Il venait de s’asseoir quand la comtesse parut. Elle marchait si légèrement qu’il ne l’avait point entendue traverser l’appartement voisin, et il fut surpris en l’apercevant. Elle lui tendit la main d’une façon familière.

— Alors, c’est vrai, dit-elle, que vous voulez bien faire mon portrait.

— J’en serai très heureux, Madame.

Sa robe noire, étroite, la faisait très mince, lui donnait l’air tout jeune, un air grave pourtant que démentait sa tête souriante, toute éclairée par ses cheveux blonds. Le comte entra, tenant par la main une petite fille de six ans.

Mme de Guilleroy présenta :

— Mon mari.

C’était un homme de petite taille, sans moustaches, aux joues creuses, ombrées, sous la peau, par la barbe rasée.

Il avait un peu l’air d’un prêtre ou d’un acteur, les cheveux longs rejetés en arrière, des manières polies, et autour de la bouche deux grands plis