Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/208

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comtesse, en son plus complet épanouissement, avait eu ce charme souple de chèvre, ce charme hardi, capricieux, irrésistible, comme la grâce d’un animal qui court et qui saute. Non. Elle avait été plus épanouie et moins sauvage. Fille des villes, puis femme des villes, n’ayant jamais bu l’air des champs et vécu dans l’herbe, elle était devenue jolie à l’ombre des murs, et non pas au soleil du ciel.

Quand ils furent rentrés au château, la comtesse se mit à écrire des lettres sur sa petite table basse, dans l’embrasure d’une fenêtre ; Annette monta dans sa chambre, et le peintre ressortit pour marcher à pas lents, un cigare à la bouche, les mains derrière le dos, par les chemins tournants du parc. Mais il ne s’éloignait pas jusqu’à perdre de vue la façade blanche ou le toit pointu de la demeure. Dès qu’elle avait disparu derrière les bouquets d’arbres ou les massifs d’arbustes, il avait une ombre sur le cœur, comme lorsqu’un nuage couvre le soleil, et quand elle reparaissait dans les trouées de verdure, il s’arrêtait quelques secondes pour contempler les deux lignes de hautes fenêtres. Puis il se remettait en route.

Il se sentait agité, mais content, content de quoi ? de tout.

L’air lui semblait pur, la vie bonne, ce jour-là. Il se sentait de nouveau dans le corps des légèretés