Page:Maupassant - Fort comme la mort.djvu/315

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Jusqu’à la fin de la représentation, il demeura silencieux, dévoré par ses idées, puis, quand l’ouragan de l’enthousiasme final fut apaisé, il offrit son bras à la duchesse pendant que le marquis prenait celui d’Annette. Ils redescendirent le grand escalier au milieu d’un flot de femmes et d’hommes, dans une sorte de cascade magnifique et lente d’épaules nues, de robes somptueuses et d’habits noirs. Puis la duchesse, la jeune fille, son père et le marquis montèrent dans le même landau, et Olivier Bertin resta seul avec Musadieu sur la place de l’Opéra.

Tout à coup il eut au cœur une sorte d’affection pour cet homme ou plutôt cette attraction naturelle qu’on éprouve pour un compatriote rencontré dans un pays lointain, car il se sentait maintenant perdu dans cette cohue étrangère, indifférente, tandis qu’avec Musadieu il pouvait encore parler d’elle.

Il lui prit donc le bras.

— Vous ne rentrez pas tout de suite, dit-il. Le temps est beau, faisons un tour.

— Volontiers.

Ils s’en allèrent vers la Madeleine, au milieu de la foule noctambule, dans cette agitation courte et violente de minuit qui secoue les boulevards à la sortie des théâtres.

Musadieu avait dans la tête mille choses, tous ses sujets de conversation du moment que Bertin