Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/244

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leurs petits corps jettent l’âme grisée dans le paradis des images et des voluptés idéales. Elles tremblent sur leurs tiges comme pour s’envoler. Vont-elles s’envoler, venir à moi ? Non, c’est mon cœur qui vole au-dessus d’elles comme un mâle mystique et torturé d’amour.

Aucune aile de bête ne peut les effleurer. Nous sommes seuls, elles et moi, dans la prison claire que je leur ai construite. Je les regarde et je les contemple, je les admire, je les adore l’une après l’autre.

Comme elles sont grasses, profondes, roses, d’un rose qui mouille les lèvres de désir ! Comme je les aime ! Le bord de leur calice est frisé, plus pâle que leur gorge et la corolle s’y cache, bouche mystérieuse, attirante, sucrée sous la langue, montrant et dérobant les organes délicats, admirables et sacrés de ces divines petites créatures qui sentent bon et ne parlent pas.

J’ai parfois pour une d’elles une passion qui dure autant que son existence, quelques jours, quelques soirs. On l’enlève alors de la galerie commune et on l’enferme dans un mignon cabinet de verre où murmure un fil d’eau contre un lit de gazon tropical venu