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Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/104

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boitelle

un trou de fange quelconque, c’était lui qu’on allait chercher.

Il s’en venait avec ses instruments de vidangeur et ses sabots enduits de crasse, et se mettait à sa besogne en geignant sans cesse sur son métier. Quand on lui demandait alors pourquoi il faisait cet ouvrage répugnant, il répondait avec résignation :

— Pardi, c’est pour mes éfants qu’il faut nourrir. Ça rapporte plus qu’autre chose.

Il avait, en effet, quatorze enfants. Si on s’informait de ce qu’ils étaient devenus, il disait avec un air d’indifférence :

— N’en reste huit à la maison. Y en a un au service et cinq mariés.

Quand on voulait savoir s’ils étaient bien mariés, il reprenait avec vivacité :

— Je les ai pas opposés. Je les ai opposés en rien. Ils ont marié comme ils ont voulu. Faut pas opposer les goûts, ça tourne mal. Si je suis ordureux, mé, c’est que mes parents m’ont opposé dans mes goûts. Sans ça, j’aurais devenu un ouvrier comme les autres.