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boitelle

telle », si bien que le soir venu, la vieille, touchée et inexorable, dit à son fils :

— C’est une brave fille tout de même. C’est dommage qu’elle soit si noire, mais vrai, alle l’est trop. J’pourrais pas m’y faire, faut qu’alle r’tourne, alle est trop noire !

Et le fils Boitelle dit à sa bonne amie :

— Alle n’veut point, alle te trouve trop noire. Faut r’tourner. Je t’aconduirai jusqu’au chemin de fer. N’importe, t’éluge point. J’vas leur y parler quand tu seras partie.

Il la conduisit donc à la gare en lui donnant encore bon espoir, et après l’avoir embrassée, la fit monter dans le convoi qu’il regarda s’éloigner avec des yeux bouffis par les pleurs.

Il eut beau implorer les vieux, ils ne consentirent jamais.

Et quand il avait conté cette histoire que tout le pays connaissait, Antoine Boitelle ajoutait toujours :

— À partir de ça, j’ai eu de cœur à rien, à rien. Aucun métier ne m’allait pu, et j’sieus devenu ce que j’sieus, un ordureux.