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Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/132

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l’ordonnance

être aimée ; il me semblait que je salissais tout le monde, rien qu’en donnant la main.

« Tout à l’heure, je vais aller prendre mon bain et je ne reviendrai pas.

« Cette lettre pour vous ira chez mon amant. Il la recevra après ma mort, et sans rien comprendre, vous la fera tenir, accomplissant mon dernier vœu. Et vous la lirez, vous, en revenant du cimetière.

« Adieu, père, je n’ai plus rien à vous dire. Faites ce que vous voudrez et pardonnez-moi. »

Le colonel s’essuya le front couvert de sueur. Son sang-froid, le sang-froid des jours de bataille lui était revenu tout à coup.

Il sonna.

Un domestique parut.

— Envoyez-moi Philippe, dit-il.

Puis il entr’ouvrit le tiroir de sa table.

L’homme entra presque aussitôt, un grand soldat à moustaches rousses, l’air malin, l’œil sournois.

Le colonel le regarda tout droit.

— Tu vas me dire le nom de l’amant de ma femme.