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duchoux

Il reprit :

— Oui, je voudrais un joli terrain près de la mer, sur une petite plage déserte…

Alors Duchoux s’expliqua. Il en avait dix, vingt, cinquante, cent et plus, de terrains dans ces conditions, à tous les prix, pour tous les goûts. Il parlait comme coule une fontaine, souriant, content de lui, remuant sa tête chauve et ronde.

Et Mordiane se rappelait une petite femme blonde, mince, un peu mélancolique et disant si tendrement : « Mon cher aimé » que le souvenir seul avivait le sang de ses veines. Elle l’avait aimé avec passion, avec folie, pendant trois mois ; puis, devenue enceinte en l’absence de son mari qui était gouverneur d’une colonie, elle s’était sauvée, s’était cachée, éperdue de désespoir et de terreur, jusqu’à la naissance de l’enfant que Mordiane avait emporté, un soir d’été et qu’ils n’avaient jamais revu.

Elle était morte de la poitrine trois ans plus tard, là-bas, dans la colonie de son mari qu’elle était allé rejoindre. Il avait devant lui leur fils, qui disait, en faisant sonner les finales comme des notes de métal :