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Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/242

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le rendez-vous

autant de témoins qui pouvaient déposer contre elle dans un moment critique.

Aussitôt dans le fiacre, elle tirait de sa poche l’autre voile, épais et noir comme un loup, et se l’appliquait sur les yeux. Cela cachait le visage, oui, mais le reste, la robe, le chapeau, l’ombrelle ne pouvait-on pas les remarquer, les avoir vus déjà ? Oh ! dans cette rue de Miromesnil, quel supplice ! Elle croyait reconnaître tous les passants, tous les domestiques, tout le monde. À peine la voiture arrêtée, elle sautait et passait en courant devant le concierge toujours debout sur le seuil de sa loge. En voilà un qui devait tout savoir, tout, — son adresse, — son nom, — la profession de son mari, — tout, — car ces concierges sont les plus subtils des policiers ! Depuis deux ans elle voulait l’acheter, lui donner, lui jeter un jour ou l’autre, un billet de cent francs en passant devant lui. Pas une fois elle n’avait osé faire ce petit mouvement de lui lancer aux pieds ce bout de papier roulé ! Elle avait peur. — De quoi ? — Elle ne savait pas ! — D’être rappelée, s’il ne comprenait point ? D’un scandale ! d’un rassemblement dans l’escalier ? d’une arres-