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Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/268

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le port

jours. Le bruit des verres, des poings, des talons scandant les refrains et les cris aigus des femmes se mêlaient au vacarme des chants.

Il la sentait sur lui, enlacée à lui, chaude et terrifiée, sa sœur ! Alors, tout bas, de peur que quelqu’un l’écoutât, si bas qu’elle-même l’entendit à peine :

— Malheur ! j’avons fait de la belle besogne !

Elle eut, en une seconde, les yeux pleins de larmes et balbutia :

— C’est-il de ma faute ?

Mais, lui soudain :

— Alors ils sont morts ?

— Ils sont morts.

— Le pé, la mé, et le fré ?

— Les trois en un mois, comme je t’ai dit. J’ai resté seule, sans rien que mes hardes, vu que je devions le pharmacien, l’médecin et l’enterrement des trois défunts, que j’ai payé avec les meubles. J’entrai pour lors comme servante chez maît’e Cacheux, tu sais bien, l’boiteux. J’avais quinze ans tout juste à çu moment-là pisque t’es parti quand j’en avais point quatorze. J’ai fait une faute avec li. On est si bête quand on est jeune.