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Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/27

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allouma

remarquant un filet de clarté sous ma porte. Je l’ouvris, et j’aperçus en face de moi, assise sur une chaise de paille à côté de la table où brûlait une bougie, une fille au visage d’idole, qui semblait m’attendre avec tranquillité, parée de tous les bibelots d’argent que les femmes du Sud portent aux jambes, aux bras, sur la gorge et jusque sur le ventre. Ses yeux agrandis par le khol jetaient sur moi un large regard ; et quatre petits signes bleus finement tatoués sur la chair étoilaient son front, ses joues et son menton. Ses bras, chargés d’anneaux, reposaient sur ses cuisses que recouvrait, tombant des épaules, une sorte de gebba de soie rouge dont elle était vêtue.

En me voyant entrer, elle se leva et resta devant moi, debout, couverte de ses bijoux sauvages, dans une attitude de fière soumission.

— Que fais-tu ici ? lui dis-je en arabe.

— J’y suis parce qu’on m’a ordonné de venir.

— Qui te l’a ordonné ?

— Mohammed.

— C’est bon. Assieds-toi.

Elle s’assit, baissa les yeux, et je demeurai devant elle, l’examinant.