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Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/56

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allouma

— De la tribu.

— De quelle tribu ?

— De la mienne.

— Pourquoi es-tu partie ?

Voyant que je ne la battais point, elle s’enhardit un peu, et, à voix basse :

— Il fallait… il fallait… je ne pouvais plus vivre dans la maison.

Je vis des larmes dans ses yeux, et tout de suite, je fus attendri comme une bête. Je me penchai vers elle, et j’aperçus, en me retournant pour m’asseoir, Mohammed qui nous épiait, de loin.

Je repris, très doucement :

— Voyons, dis-moi pourquoi tu es partie ?

Alors elle me conta que depuis longtemps déjà elle éprouvait en son cœur de nomade, l’irrésistible envie de retourner sous les tentes, de coucher, de courir, de se rouler sur le sable, d’errer, avec les troupeaux, de plaine en plaine, de ne plus sentir sur sa tête, entre les étoiles jaunes du ciel et les étoiles bleues de sa face, autre chose que le mince rideau de toile usée et recousue à travers lequel on aperçoit des grains de feu quand on se réveille dans la nuit.