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Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/139

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CONFESSIONS D’UNE FEMME

donnait sur tout un avis immédiat et borné, sans embarras aucun et sans comprendre qu’il pût exister d’autres manières de voir. On sentait que cette tête-là était close, qu’il n’y circulait point d’idées, de ces idées qui renouvellent et assainissent un esprit comme le vent qui passe en une maison dont on ouvre portes et fenêtres.

Le château que nous habitions se trouvait en plein pays désert. C’était un grand bâtiment triste, encadré d’arbres énormes et dont les mousses faisaient songer aux barbes blanches des vieillards. Le parc, une vraie forêt, était entouré d’un fossé profond qu’on appelle saut-de-loup ; et tout au bout, du côté de la lande, nous avions deux grands étangs pleins de roseaux et d’herbes flottantes. Entre les deux, au bord d’un ruisseau qui les unissait, mon mari avait fait construire une petite hutte pour tirer sur les canards sauvages.

Nous avions, outre nos domestiques ordinaires, un garde, sorte de brute dévouée à mon mari jusqu’à la mort, et une fille de chambre, presque une amie, attachée à moi éperdument. Je l’avais ramenée d’Espagne cinq gns aupara-